A l’envers de l’endroit

2011 .   A l’envers de l’endroit, J-P Le Brun – M-L Thomas – A Quesnel. Château de Tours, texte de Elaine Briggs , fragments.

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Voix, flux

Dans le travail de Marie-Luce, les ondes sont moins directement sonores, mais les vibrations d’une voix humaine se font distinctement entendre. Les ondes chez Marie-Luce sont aussi celles de la lumière. Lux, lucis, nom féminin qui, dans la tradition plotinienne, est la lumière en soi, la source de lumière, contrairement à lumen, luminis, nom masculin qui est la lumière réfléchie, rayonnée. Marie-Luce regarde les effets et de la lux et du lumen: le clair qui devient obscur, la densité de l’ombre à tel endroit, son bord qui s’adoucit, qui pâlit graduellement. La lumière qui donne corps à un monde de plénitude, car la lumière ne sait pas illuminer le vide. La lumière qui est onde et particule, une infinité de points que je vois se dérouler instantanément tels les traits brûlés dans le papier de soie qui deviennent géographies et courants. Courant de rivière ? Peut-être. L’interprétation reste fluide.

Dans nos contrées, la Loire est bordée de peupliers noirs. Marie-Luce veut ramasser une très grosse quantité de cotons de peuplier. Un nuage entier. Ils vont s’échouer, en suspens dans un cylindre transparent de plexiglas. Ailleurs d’autres cylindres, feuilles de soie brûlées et roulées, joueront d’une semi-opacité, et dessineront un labyrinthe. Les énergies circulent, se perdent.

Marie-Luce est metteuse en scène. Cinématographique. Elle s’approprie un lieu, une surface d’aluminium, par exemple, dynamisé par des flux d’oxydation naturelle, un lieu ainsi préalablement rythmé par un jeu de lumières et d’ombres. Mais ce lieu est passif, il est le véhicule qui sert à offrir, révéler et faire résonner. Il joue de l’écho et met en relief petit élément modeste. Cet élément fuit le centre, superfluité qui n’ose pas prendre les devants de la scène, ou cinétique, il peut être un regard lancé à l’improviste à travers une petite ouverture. Il est, par exemple, un disque de cire jaune, rond et frontal comme un bouton d’uniforme de soldat, mais sa matité huileuse, laiteuse même, n’a rien de la pugnacité du laiton tapageur. Il est Le pas du reflet sur un rai de lumière. Ce disque, comme d’autres plus grands posés par terre, n’est pas non plus une Pierre de Lait, mais plus discrètement, plus naturellement un caillou ou un galet, objet de méditation sur l’opacité, sur la réfraction possible à partir de sa surface et sur la relation avec un monde transparent qui, au-dessus, l’effleure.

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